Stage pastoral à Solila: Une réelle occasion de repenser la vie

Séjourner dans un pays étranger, quelle qu’en soit la durée, procure toujours l’occasion de repenser la vie. A force de s’immerger dans d’autres langues et cultures, on se rend progressivement compte que la vie peut être menée autrement. C’est ce que j’ai pu expérimenter lors de mon stage pastoral à Solila: une réelle occasion de repenser la vie.
Le 21 mai 2017, mes confrères, Fabrice Kameni et Charles Madu, et moi avions posé nos pieds sur l’île de Madagascar pour commencer notre stage pastoral. Ce dernier est un travail sur terrain effectué par les étudiants de la faculté de théologie de Hekima University College, Nairobi, dans le cadre de la théologie pastorale. Ce stage consiste à s’immerger dans un endroit particulier dans le but de mettre en pratique ce que l’on a appris au cours de l’année académique précédente.
L’atterrissage de l’avion à l’aéroport international d’Antananarivo marquait le début de mon tout premier séjour à Madagascar. Les premières personnes que j’ai rencontrées à l’aéroport – tels que les douaniers – m’ont donné l’impression que je pouvais m’en sortir dans le pays avec la langue française. Cependant, une fois hors de l’aéroport, jusqu’à ma destination finale à Solila (autour de 400km d’Antananarivo) où j’ai travaillé pendant les six semaines de mon séjour à Madagascar, je me suis rendu compte que le Malgache est indispensable pour bien communiquer avec les gens. Au début de cette prise de conscience, je ne pouvais m’empêcher de demander à Dieu pourquoi est-ce que les gens de toute race, culture et de partout au monde ne parlent-ils pas la même langue ? Fort heureusement pour moi je ne me suis pas attardé sur cette question assez complexe. Je me suis plutôt mis à faire de mon mieux pour rendre mon expérience fructueuse. Le dictionnaire malgache que j’avais téléchargé avant le voyage m’a beaucoup aidé. En plus, je faisais parfois appel à un interprète aux moments que je jugeais nécessaires. Toutefois, la nature accueillante des gens me faisait souvent oublier que je ne parlais pas Malgache.
Le parcours d’Antananarivo à Fianarantsoa, première étape de mon voyage, n’avait rien de particulier ni de nouveau en rapport avec mes expériences antérieures de voyages. La nouvelle expérience était celle que j’ai faite entre Fianarantsoa et Solila. Au cours de ce dernier voyage, une seule question me revenait à l’esprit, « qui a décidé d’aller si loin pour fonder un village ? » En toute vérité, je me sentais de plus en plus perdu en franchissant les brousses et mauvaises routes qui mènent à Solila. Il y avait tout de même une chose que j’ai constatée pendant ce voyage qui donnait libre cours à mon imagination étant donné qu’elle me faisait voir la créativité des gens des villages que nous traversions : C’était des maisons en argile qui étaient en étage. Dans ce contexte, ce qui m’a beaucoup impressionné n’est pas le fait de voir des maisons en argile mais plutôt de les voir en étage.
Notre arrivée à Solila n’a pas manqué de susciter de nouvelles questions en moi. Cette fois-ci, mes questions étaient d’un autre genre, issues de mon admiration pour les Jésuites de Madagascar. Plein d’admiration pour la simplicité du Père Emile qui nous a conduit jusqu’à Solila et le Curé de la paroisse, Père Jean-Guy qui était tout souriant en nous montrant nos chambres dans la communauté. Je me suis demandé « comment est-ce que ces confrères trouvent le courage de travailler dans un tel endroit? » En ce moment-là, je n’avais pas la moindre idée qu’au bout de mon séjour à Solila j’aurai souhaité y retourner dans l’avenir si l’occasion se présente. Bref, j’ai découvert que la vie existe là-bas bien qu’elle soit un peu différente de celle que j’ai l’habitude de mener. Leurs besoins sont beaucoup plus modérés que les miens. Toutefois, c’est le même but que nous poursuivons: le bonheur.
Mes confrères et moi avons enseigné le Français, l’Anglais et quelques notions d’informatique aux enfants de Solila. Cette tâche a tiré mon attention de façon concrète sur la capacité des enfants à apprendre beaucoup de choses et le rôle que ces derniers jouent dans chaque communauté humaine. J’ai constaté que c’est grâce à eux que la communauté de Solila est en train de mener une nouvelle vie qui comprend, dans une large mesure, l’éducation formelle. Ils n’hésitent pas à mettre en pratique ce qu’ils apprennent à l’école. A l’église, ces enfants montrent encore leur force dans les célébrations liturgiques en faisant partie de différents types de groupes de services – et plus remarquablement – en chantant à haute voix, les chants qu’on leur apprenait. Sans doute, dans l’avenir, la vie de Solila s’améliorera grâce à l’immense contribution de ses enfants.
De tout temps, le village se présente comme le berceau culturel et vital d’un peuple. La raison est que la multiculturalité des grandes villes voile souvent – sans parfois le vouloir – des éléments importants de la vie d’un peuple. Cette manière de vivre (Celle des villes) a ses avantages : Elle permet, par exemple, aux habitants venant de différentes parties du pays et aux étrangers de vivre avec moins de difficultés. L’un des désavantages de ce style de vie est qu’il arrive souvent qu’un étranger qui reste en ville manque ce qui lui aurait permis de mieux connaitre un peuple. Heureusement, cela n’était mon cas à Madagascar étant donné que j’ai eu la chance de faire mon stage pastoral dans un village. En prenant bonne note de quelques préoccupations des gens de Solila ainsi que de leur joie, je me suis senti un peu Malgache puisque cela m’a fait voir d’une nouvelle manière le lien universel entre êtres humains. J’ai également participé aux activités qui les unifient avec les autres citoyens du pays telles que la fête nationale. La prise au sérieux de cette fête m’a clairement montré leur niveau du patriotisme. Plus globalement, je suis resté émerveillé devant l’hospitalité des Malgaches.
On aura gravement tort de croire que la différence qui existe entre différents peuples ne fait que compliquer la vie. Au contraire, elle l’enrichit. C’est la différence même qui nous pousse à nous interroger sur notre façon de vivre en essayant de distinguer ce qui est dans la vie de ce qui ne l’est pas. Cette purge, voire ‘exorcisme du soi’ venant d’un regard vers l’extérieur a le but de nous faire devenir plus humain. Autrement dit, mon stage pastoral à Solila m’a transformé en un Jésuite plus capable de connaître l’essentiel. Dès mon retour à Nairobi, le 7 juillet, je ne faisais que bénir le ciel du don de mon stage pastoral qui était exceptionnel.
Je suis vraiment reconnaissant du soutien de la province Jésuite de Madagascar de m’avoir donné la chance de travailler chez eux. Les œuvres des Jésuites de ce pays m’ont tellement impressionné que je me demande à présent pourquoi ma province n’a pas autant d’œuvres.

S. Reginald NWAKOLOBI, SJ
2ème année en Théologie à Hekima

Si je pouvais décrire en quelques mots mon expérience de stage pastoral à Solila, je dirais tout simplement qu’il y a la vie à Solila.
Pour mon stage pastoral, j’ai décidé de venir à Madagascar travailler avec les jeunes de Fe y Alegria, déjà parce que j’ai un faible pour l’éducation des jeunes, mais surtout par le fait que l’éducation des tous petits est pour moi une nécessité. Je suis Fabrice KAMENI originaire du Cameroun, de la Province d’Afrique Occidentale. Actuellement en étude de théologie à Hekima College (Nairobi).
Nous sommes arrivés à Madagascar le dimanche 21 juin 2016. L’accueil a été très chaleureux en communauté. J’ai eu le plaisir de visiter certaines œuvres de la province comme BEVALALA dont j’avais énormément entendu parler. Nous nous sommes mis en route le 24 juin pour Fianarantsoa et le 26 nous avons pu joindre Ikalamavony. La première impression concerne la route. Elle a été très difficile pour moi, surtout parce que c’était la première expérience. A Ikalamavony, j’ai rencontré une communauté paroissiale dynamique qui s’activait de toute énergie pour le bon déroulement de la kermesse. J’ai toute suite été frappé par l’accueil et la sympathie qui nous étaient réservés par les compagnons et les paroissiens. Seulement cette belle ambiance n’a pas duré longtemps car le lundi suivant, on prenait la route pour Solila.
C’est à Solila que la grande partie de mon expérience s’est déroulée. Notre arrivée a tout été aussi chaleureuse et là j’ai aussi été marqué par l’engouement qu’avaient les résidents à la petite kermesse organisée par l’école en guise de levée des fonds pour la gestion de l’école. Je n’ai pas vraiment eu l’impression d’être ailleurs, dans un autre monde, je me suis vite senti chez moi. S’il y a un fait qui m’a beaucoup marqué c’est cette capacité d’accueillir l’étranger, particularité que nous africains nous partageons tous.
Mon expérience, consistait principalement à être avec les jeunes. J’ai été emmené à donner quelques cours de langue française à Vohibola et à Solila. A Solila, j’ai aussi eu l’occasion d’avoir avec les jeunes quelques séances de cours d’informatique. Une petite salle d’ordinateur a été installée à cet effet pour permettre aux jeunes de s’initier à l’outil informatique. J’ai été marqué par la curiosité dont faisaient preuve les enfants et leur volonté d’échanger en anglais et en français. On était arrivé à un point où ils ne pouvaient pas m’apercevoir et me laisser tout seul. L’autre de ma grande découverte c’est la rapidité avec laquelle des enfants, qui pour la première fois touchaient à un ordinateur, ont su prendre la main et à une vitesse exponentielle. J’ai eu par le passé à donner des cours d’informatique à des personnes respectables, mais leur faire manipuler la souris était un autre défi. Si je suis parti de là avec un regret, c’est bien celui de ne les avoir pas enseigné d’avantage. Tellement nous avions pris gout que le temps en manquait. La seule barrière que j’avais devant moi est bien celle de la langue. Pour une telle expérience, l’acquisition de la langue est un outil indispensable pour transmettre un message. Il m’était donc difficile, lors de mes entretiens avec les jeunes de les exhorter à prendre leurs études au sérieux et d’avoir une ville sentimentale et affective responsables. Mon petit dictionnaire sur la tablette et de l’aide des certains jeunes observant mes hésitations m’ont beaucoup aidé à faire de mon mieux.
J’aimerais remercier la Compagnie de Jésus, la province de Madagascar et les compagnons Emile, Jean Guy, Jean de Dieu et bien d’autres qui m’ont permis d’avoir cette expérience très enrichissante pour ma formation théologique et anthropologique. Je me suis rendu compte par exemple, sauf erreur de ma part, que dans la langue malgache on s’intéresse beaucoup plus au verbe qui fait l’action qu’au sujet qui porte l’action. On peut aisément voir en filigrane l’enseignement même du Christ.

S. Fabrice KAMENI
2ème année en Théologie à Hekima